La cuisine était plongée dans l’obscurité. Quelques trous dans la couche nuageuse permettaient à la lumière de la lune d’entrer dans la cuisine et de distinguer les contours des meubles. Heureusement, Shoka avait une vue perçante même dans la pénombre. Les oreilles dressées, elle scruta la pièce durant quelques secondes. Une assiette était posée sur la table. Elle pouvait entendre du mouvement à l’étage et devina qu’Elly était montée veiller sur sa fille. Shoka alluma la lumière et sortit le plat du frigo. En refermant, elle observa le vieux dessin que Solenn avait fait enfant. Une vague de tristesse la traversa quand elle fixa la forme aux cheveux gris. Aynen lui rappelait tellement Gabrielle, la grand-mère de Solenn, que Shoka avait failli les confondre de dos. Elles dégageaient le même sentiment de fragilité avec leur maigreur, la pâleur de leur peau et leur long cheveux noirs. Elle espérait que la jeune fille se remplume rapidement, tout comme Gabrielle dans son adolescence. Un
-C'était avant que je retrouve Elly. Je venais d'arriver ici et, bon… on connaît tous ma chance, hein. Il a fallu que je croise le chemin de Sellwyn. On a un historique plutôt chargé, si tu vois ce que je veux dire. Il n'a pas apprécié que je le remette à sa place et… il m’a envoyé Nergüi. Keelan avait pris une position décontractée dans le canapé, la joue reposant sur son poing. -Ce n'est pas un vieux vampire, il est assez jeune je dirai, moins de cent ans certainement, peut-être la cinquantaine et je suis généreuse. Il aime le sang… et pas forcément pour le boire. Je crois qu'il faisait déjà une fixation dessus avant de devenir vampire. Shoka hésita. Il y avait une chose que Keelan ne savait pas à son sujet, et elle n'était pas sûre de pouvoir le lui confier. Elle continua donc : -Son truc, c'est le sang et la torture est un jeu pour lui. Elle frissonna malgré elle. Le vampire braqua son attention sur elle et Shoka le sentit immédiatement. Elle gigota dans le fauteuil, mal à l’aise
Le lendemain, Shoka se réveilla en plein après-midi. Le regard encore dans le vague, elle s'installa à la table de la cuisine, devant une tasse de lait chaud. Le repas qu'Elly prépara lui permit de reprendre des forces face à la légère anémie dont elle souffrait. Mais le soin qu'elle lui avait prodigué la fatiguait toujours. Leur invité surprise aux crocs pointus n’était pas levé et Solenn non plus. Elle avait encore eu une terreur nocturne : Shoka l’avait entendue gémir à un moment de la nuit et sa mère l’avait rassurée. La jeune femme haussa les épaules, il était encore trop tôt pour que Keelan se réveille. Quoique, pouvait-on considérer qu'un vampire dorme le jour ? Sachant que d'ordinaire, il était déjà mort… Ne serait-il pas simplement un cadavre ? Elly finit par la chasser de la cuisine en l'entendant marmonner ses questionnements absurdes, et Shoka alla s'installer devant la télé. Elle ne pouvait pas sortir de peur de tomber sur les goules. Elle devait attendre que tout se
Après de multiples détours, et des surveillances qui lui semblèrent interminables pour éviter les goules qui parcouraient la ville, Shoka arriva enfin à destination. A mesure que le parfum nauséabond des goules et des vampires s’estompait, elle se calma. Elle réussit même à se détendre un peu malgré la douleur de son bras, avant d’arriver devant la porte de son amie. Le quartier était calme. On pouvait toutefois entendre la circulation de l’autoroute qui passait à quelques kilomètres de là. La maison, elle, était simple mitoyenne avec sa voisine de gauche, une petite allée sur la droite menait vers un petit jardin à l’arrière. Une lumière était visible à l’une des fenêtres du premier étage. Elle était bien plus petite que celle qu’Elly possédait avant, mais après tout, elles n’étaient plus que deux à y vivre, ou trois occasionnellement, quand Shoka venait les voir. Cette dernière frappa discrètement. Avec tous les problèmes rencontrés, la nuit était déjà bien avancée, mais elle
La neige s'amoncelait lentement sur le sol, piétinée par les passants. Shoka remontait la rue marchande d'un bon pas, évitant les groupes de touristes qui s'arrêtaient tous les cinq mètres pour photographier les illuminations maintenant que la nuit était tombée. Celles-ci, couplées avec les petites maisons en colombage, donnaient en effet une ambiance féerique aux rues de la ville. Elle aimait bien cette ville, restée à taille humaine, il n’y avait que très peu de buildings de plus de 5 étages. Les canaux qui découpaient le centre-ville en trois presqu’îles étaient bordés d’arbres et d’aménagement de promenades en plein-air. Le seul inconvénient était la pollution très présente dans ce monde. Mais elle ne s'attardait pas pour observer les lumières, ni les canaux. D'autres choses la préoccupaient. Bien plus importantes. Des choses comme : aura-t-elle du lait tiède en arrivant ? Et des chips au fromage ? Sa nièce allait-elle bien ? Un frisson remonta brusquement le long de son échine,